D’autres regards de paysan·nes sur la mobilisation agricole : paroles du séminaire InPACT

D’autres regards de paysan·nes sur la mobilisation agricole : paroles du séminaire InPACT

Accueil Paysan est membre du pôle InPACT (Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale). Dans ce regroupement, le réseau travail avec L’Atelier Paysan, la FADEAR, le Réseau Civam, Solidarité paysans, l’Inter-AFOCG, Miramap, SOL, MRJC et Terre de liens.

Le pôle InPACT a tenu son séminaire annuel du 29 au 31 janvier. A cette occasion, les membres du pôle, dont Edith Bonnet, adhérente de Bourgogne et administratrice Accueil Paysan, se sont exprimé et ont partagé leur regard sur le mal-être paysan.

Le mot du pôle InPACT

Bonjour à toutes et tous.
Alors que la mobilisation du monde agricole est entre deux feux, les membres du Pôle InPact prennent la parole et offrent un autre regard sur le mal-être paysan, la question des revenus, des normes environnementales qu’il suffirait de mettre à mal pour résoudre les problèmes de la profession. Nous publions ici des paroles exprimées lors de notre séminaire des 29-31 janvier, tenu à la Bergerie de Villarceaux avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès humain. Elles sont complétées par les textes de nos membres parus ces derniers jours. Nous publions en parallèle un texte plus long qui entre dans le détail de la résonance entre les mobilisations agricoles et la vision des paysan·nes d’InPact et des autres citoyen·nes qui font vivre notre réseau, à découvrir ici.
Bonne lecture,
L’équipe d’administratrices et d’administrateurs du Pôle InPact national.

Paroles et portraits

Photos et portraits pris lors du séminaire : Freddy Le Saux.

Édith Bonnet, vigneronne retraitée et administratrice d’Accueil paysan

C’est une crise systémique, la crise est latente depuis longtemps mais il y a un contexte général qui fait que cette situation éclate au grand jour, encouragée pour des raisons politiques. Le pacte d’orientation agricole a repris les mesures de la FNSEA et très peu des autres acteurs de la concertation. Nous n’avions dans notre région qu’une place pour douze associations de développement rural. C’est un texte qui n’est pas à la hauteur des enjeux et la loi d’orientation agricole, annoncée en septembre 2022, est sans cesse reportée. C’est pourtant une loi a minima, qui va dans un sens contraire à ce qu’il faudrait faire, et elle n’arrive pas à sortir.

Raphaël Bellanger, éleveur et co-président d’InPact national

On ne peut pas passer outre les mobilisations qui se poursuivent. On parlait d’arènes, ça tient aussi un peu du cirque. Une bonne partie des personnes mobilisées sont dans les difficultés, la lassitude de leur métier. D’autres jouent. L’état de l’agriculture aujourd’hui, c’est les conséquences d’orientations productivistes depuis l’après guerre, orchestrées par la FNSEA et les gouvernements successifs. Nous posons ce constat dans le texte « Nous sommes le Pôle InPact » mais c’est dans nos travaux que nous proposons des solutions. Pour pouvoir transformer nos campagnes, les systèmes agricoles et alimentaires, il faut changer fondamentalement les politiques agricoles et l’organisation de la société en général.

Ferjeux Courgey, éleveur retraité et administrateur de Solidarité Paysans

Nous, en tant qu’InPact, on est né d’une critique du système productiviste et on a des choses à dire maintenant. Sur les normes, on est des criminels par rapport aux générations futures si on ne met pas en avant l’écologie. De l’autre côté, en tant que paysan que j’ai été, on n’a plus le temps d’aller dans les champs. Ça me prenait la tête, à remplir les paperasses. Pas besoin de remplir les papiers, il faut des principes qu’on explique, des formations à dispenser. Quand j’étais paysan, il fallait avant tout que je gagne ma vie, je ne connaissais rien à l’écologie. Mais quand on entretient des haies, on doit savoir quand les oiseaux pondent pour ne pas détruire leurs nids. J’ai appris à la CUMA quand je pouvais les entretenir. Il faut interdire les mauvaises pratiques mais aussi faire grandir la conscience écologique lors des formations agricoles.

Denis Lépicier, chercheur à l’Inrae et vice-président du Réseau Civam

Quand on regarde la masse de l’investissement en agriculture, en matériel, équipement, bâtiments, ça correspond à une forte valeur économique injectée dans la machine plutôt que dans le travail. L’industrialisation des processus de transformation et de commercialisation, la concentration du secteur agro-alimentaire qui s’accapare une part importante de ce que produit l’agriculture, tout cela demande de reconsidérer la répartition, entre là où on considère important de mobiliser des moyens (équipement, filières). Il faut aboutir à un nouvel équilibre de cette équation, comment on produit avec un niveau de rémunération tout en alimentant tous les mangeurs. Il ne suffit pas d’augmenter la valeur ajoutée pour augmenter les prix, il faut retrouver de la valeur ailleurs. Il y a des leviers si on redonne une valeur de bien commun à l’alimentation, ce qu’elle aurait dû rester : un élément de la subsistance et de la vie de tout citoyen.

Marie-Andrée Besson, éleveuse retraitée et présidente de Solidarité Paysans

Pour la population, il doit être difficile de se faire une idée des problèmes car tout le monde est dehors mais avec des revendications parfois diamétralement opposées. Le problème fondamental, c’est celui du revenu des paysans. Les paysans sont la variable d’ajustement, ils ne fixent aucun de leurs prix. Ils ne veulent pas des aides mais un revenu pour vivre. La remise en cause des normes environnementales, ça ne sert qu’à accentuer le développement agro-industriel. Il y a certes des normes administratives à alléger mais il ne faut pas les confondre toutes. Demander une simplification des normes qui protègent nos sols et notre santé, c’est un problème dans le contexte actuel.

Agathe Macke, éleveuse et administratrice de l’InterAfocg

Tu réduis tes dépendances, tu réduis tes coûts. Tu peux choisir de travailler à l’équilibre économique, pour payer tes charges et te sortir un petit revenu, ou bien dans l’ambition de racheter des hectares ici et là, de t’acheter un tracteur de 300 chevaux pour faire baisser ton revenu et ne pas payer de cotisations sociales. C’est une vision de l’agriculture économe et autonome, sans intrants qui apportent au final peu, vu les connaissances qu’on a en agroécologie. Dans nos pratiques, nous respectons notre environnement pour mieux produire pour les consommateurs.

Claude Souriau, co-président d’InPact Nouvelle-Aquitaine

Ce qu’on a vu dans la bataille sur les MAE (cet automne des mobilisations agricoles, en particulier dans le Sud-Ouest, ont exigé le paiement de mesures agro-environnementales et climatiques sur lesquelles l’État s’était engagé), c’est que des gens sont prêts à faire évoluer leur système et s’inscrivent dans des MAE. Les financements ne suivent pas, c’est un problème ! Les modèles économes et autonomes n’empêchent pas d’être sensibles aux prix d’achat des produits agricoles, on peut les subir quelque soit son modèle de production.

Suivez le pôle InPACT !

Ces portraits sont issues de la lettre d’info d’InPACT n°26. Pour suivre les actualités de la lutte pour une agriculture citoyenne et territoriale avec InPACT, dans laquelle Accueil Paysan s’investit, inscrivez vous à cette lettre d’info ci-dessous.

A propos de l'auteur

Diane Responsable communication FNAP

J’ai rejoint l’équipe de la FNAP en janvier 2019. Je travaille au développement de la stratégie permettant au réseau d’atteindre ses objectifs de visibilité, et de circulation de l’information en interne. Je mets aussi en place, autant que possible, des actions pour accompagner les associations locales et les adhérent·es dans leur communication. Mon lien avec le milieu paysan a été grandement tissé et nourri par mon grand-père paternel, qui était paysan dans le Jura, et qui s'est beaucoup investi dans la défense et la construction des cahiers des charges de l'AOC du Comté. En plus de ma passion évidente pour le (bon) fromage, j'aime les arts créatifs et visuels, que ce soit le cinéma, la couture, le bricolage ou la cuisine.

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